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Les droits coutumiers de Sakabansi et de Dérassi dans la liturgie royale de Nikki : une relecture des traditions Boo.

Les droits coutumiers de Sakabansi et de Dérassi dans la liturgie royale de Nikki : une relecture des traditions Boo.

Auteur : MONRA SEÏDOU AGENT DU DÉVELOPPEMENT RURAL E-mail ; monras78@gmail.com

Résumé

Cet article examine deux rôles coutumiers  mais fondamentaux dans l’organisation et la légitimation du pouvoir royal de Nikki : celui des anciens de Sakabansi, protecteurs spirituels du palais royal :du Kangui (objet protecteur enterré pour assurer la sécurité des palais et des demeures) de la réfection de la résidence royal et celui du Ki-Tanhoun (chef militaire) originaire de Dérassi, chargé de la protection du palais royal lors du parcours rituel du souverain pendant  la fête de la Gaani. WhatsApp Image 2025-05-23 à 09.45.38_5ffef28f
Ces fonctions, bien qu’amoindries aujourd’hui, témoignent d’un système complexe de répartition des prérogatives politiques, religieuses et militaires au sein de l’aristocratie Wassangari du royaume de Nikki.

Introduction

L’histoire du royaume de Nikki a souvent été abordée sous l’angle de la dynastie de ZIME DODIA , de ses cinq branches royales et des récits de conquête. Toutefois, des témoignages oraux recueillis dans les villages périphériques révèlent la persistance d’anciennes pratiques rituelles enracinées dans la tradition Boo. Parmi elles, deux méritent une attention particulière :

1. Le rôle des anciens de Sakabansi dans la protection spirituelle et la régulation rituelle du palais royal.

2. La mission du Ki-Tanhoun de Dérassi dans l’organisation sécuritaire du parcours royal pendant la Gaani.Ces fonctions, héritées d’un ordre ancien, rappellent que le pouvoir à Nikki n’est pas seulement politique, mais aussi rituel, partagé et contrôlé par des instances multiples.

Le Kangui provenant  de Sakabansi : gardiens du sacré et contre-pouvoir rituel

Selon la tradition, ce sont les anciens de Sakabansi qui réalisèrent le Kangui du palais royal et de la chambre du souverain. Ce dispositif mystique, consistant à enterrer des objets protecteurs dans la cour, garantit la sécurité spirituelle de l’espace royal.Leur responsabilité ne s’arrête pas là : lorsque le chaume du toit de la chambre royale devient vétuste, c’est également eux qui procèdent à son renouvellement. Par ce rôle, ils entretiennent un lien direct avec la sacralité de la royauté. De plus, leur chef dispose d’un droit de veto rituel : lors des cérémonies de la Gaani, il peut interrompre le passage des princes devant les tambours sacrés s’il perçoit un désordre spirituel ou un manquement à l’ordre rituel. Le geste de lever son bâton de commandement suffit à faire taire tambours et trompettes, suspendant la cérémonie. Ce pouvoir souligne l’équilibre des forces coutumières autour du roi.

Le Ki-Tanhoun de Dérassi : garant de la sécurité royale

À côté de cette autorité spirituelle, le rôle du Ki-Tanhoun, originaire de Dérassi, est d’ordre militaire. Il est chargé, selon la coutume, d’assurer la sécurité du palais de Nikki lors de la Gaani, notamment durant le parcours rituel effectué par le souverain avant sa présentation devant les tambours sacrés. Cette mission militaire démontre que le pouvoir royal ne se déploie pas isolément, mais sous la garde de contre-pouvoirs coutumiers, ici liés à Dérassi. Or, la tradition rapporte aujourd’hui avec regret que le Ki-Tanhoun ne joue pleinement ce rôle , affaiblissant ainsi la continuité de ce devoir sacré.

Discussion : entre effacement et réappropriation des traditions Boo.

Ces fonctions montrent que l’organisation coutumière de Nikki reposait sur un équilibre subtil entre protection spirituelle (Sakabansi), sécurité militaire (Dérassi) et autorité royale (Nikki). Leur relégation ou leur invisibilisation dans les récits dominants peut s’expliquer par la centralisation progressive du pouvoir autour de la figure royale, mais aussi par une tendance à occulter les contributions Boo au profit d’une lecture baatonu du passé.La question soulevée est claire : si de tels pouvoirs avaient été confiés à d’autres groupes ethniques, auraient-ils été marginalisés comme aujourd’hui ? Cette interrogation exprime une inquiétude sur la mémoire et la reconnaissance des rôles coutumiers Boo dans la fabrique du pouvoir royal.

Conclusion

L’étude des droits coutumiers de Sakabansi et de Dérassi révèle que la royauté de Nikki repose sur une pluralité de pouvoirs ritualisés, dont certains sont aujourd’hui en déclin. Restaurer la mémoire et la pratique de ces institutions ne relève pas uniquement de la nostalgie : il s’agit de réaffirmer le rôle fondateur des Boo dans la constitution et la légitimation de l’autorité royale. La réhabilitation de ces fonctions pourrait contribuer non seulement à une meilleure compréhension de l’histoire de Nikki, mais aussi à une revalorisation de la diversité des pouvoirs coutumiers dans les monarchies africaines.

Seïdou MORA

Agent du Développement Rural, Passionné de l'histoire du royaume de Nikki

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