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Le Royaume de Nikki : des Origines à nos jours. Rôle et place des Boo.

Le Royaume de Nikki : des Origines à nos jours. Rôle et place des Boo.

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Chapitre 1 : Origines du Royaume de Nikki: Les Boo, qui sont-ils ?

1.1. Les Boo : un peuple venu de loin

Le peuple Boo, contrairement à ce qui est largement divulgué, est le véritable fondateur du royaume de Nikki. Il tire ses origines d'une région ancienne de l'Orient, identifiée par tradition comme l'ancien royaume de la Perse. Chassés de leurs terres par des mouvements djihadistes qui imposaient l'islam, les Boo, farouchement attachés à leur croyance traditionnelle, refusèrent de se convertir. Ce refus les contraignit à l'exil.

Ils migrèrent vers le sud, traversant des territoires qui correspondent aujourd'hui au nord du Nigeria, avant d'arriver dans l'espace actuel du Bénin. Ce voyage fut long, périlleux, mais porteur d'une vision : retrouver une terre de paix où restaurer leur souveraineté et reconstruire leur identité.
Au fil de leur longue et périlleuse migration qui a duré des dizaines d'années, les Boo ont fondé plusieurs agglomérations le long de leur itinéraire. Sur le territoire de l’actuel Nigeria, ils ont successivement établi les villes de I-o (aujourd’hui appelée Ilo), dont le nom signifie « dormir » en langue Boo, puis Busa, qui se traduit par « ralentissement », et enfin Kaama (ou Kayama), qui signifie « repos ». Ces toponymes sont autant de marques laissées par leur histoire migratoire, illustrant les étapes-clés de leur voyage. Encore aujourd’hui, dans chacune de ces localités, les descendants des Boo perpétuent fièrement leurs traditions, leurs rituels, et leur identité culturelle.

1.2. Ki-Sia, personnage central de la migration Boo.

Le personnage central de cette migration est Ki-Sia (Kissira), un personnage légendaire.

Lorsqu’on évoque le nom de Ki-Sia, parfois prononcé Kissira, beaucoup l’associent à une figure unique, comme s’il s’agissait d’un individu précis. En réalité, Ki-Sia est un patronyme dynastique, porté par une lignée de souverains qui se sont succédé depuis l’ancien royaume de Perse jusqu’aux confins du Bénin actuel. Ce nom symbolise bien plus qu’un homme : il incarne une continuité royale, une autorité sacrée transmise de génération en génération au sein du peuple Boo.
Selon la tradition orale, le dernier des souverains portant le nom Ki-Sia aurait mystérieusement disparu dans le village de Morou, un événement enveloppé de légendes et de mystères. Cette disparition marque à la fois la fin d’un cycle et le début d’un nouveau chapitre de l’histoire des Boo, qui allaient ensuite fonder le royaume de Nikki sous la conduite de Zinmin Dodia.

Lorsqu’ils arrivèrent à Ouenou, point stratégique de leur périple, Ki-Sia était introuvable. Son absence plongea la caravane dans l’inquiétude. Face à cette situation, Mansa, chef respecté et stratège avisé, prit une décision cruciale : il confia le commandement de la troupe à Ki-Sinho, homme de confiance et frère d’armes, puis se lança lui-même à la recherche de Ki-Sia, remontant les sentiers et interrogeant les signes du destin.

À Morou, petit village aujourd’hui paisible mais chargé d’histoire, un vieux baobab continue de défier le temps. Ce n’est pas un arbre comme les autres : selon la tradition locale, il porterait encore les stigmates laissés par les sabots du cheval de Ki-Sia au moment de sa mystérieuse disparition. De profondes marques incrustées dans l’écorce sont montrées aux visiteurs comme les empreintes sacrées de cet instant hors du commun, entre mythe et réalité.

Pour les anciens, ce baobab est un témoin silencieux d’un événement surnaturel, symbole de la fin d’une ère et du début d'une autre. Il est vénéré non seulement comme un arbre, mais comme un lieu de mémoire, de passage et de recueillement, où l’histoire et le sacré se rejoignent.

Mais ni Ki-Sia, ni Mansa ne revinrent jamais. Leur double disparition restera longtemps enveloppée de mystère, nourrissant les récits transmis de génération en génération. Certains y virent un sacrifice, d’autres l’intervention des forces invisibles qui veillent sur les lignées royales. Ce fut alors à Ki-Sinho, désormais seul à la tête de l'aristocratie guerrière Boo, de porter le fardeau du destin et de poursuivre la marche vers le sud — une marche qui aboutira à la naissance du royaume de Nikki.

1.3. Zinmin Dodia : Le Fondateur de Nikki

Ki-Sia avait à ses côtés Sabi Mansa et Sinho connu sous le nom de Ki-Sinho, aussi appelé Sounon Sero par les Baatonu. Ce dernier fut un roi respecté, chef spirituel et guerrier stratège à Nikki-Ouénou, à quelques kilomètres de l'actuel Nikki. Lors d’une de ses chasses dans les forêts du nord Bénin, Zinmin Dodia découvrit un territoire fertile, marécageux, riche en gibiers et favorable à la capture d’esclaves. Enthousiasmé, il revint en informer son père.

Mais Ki-Sinho, se jugeant trop âgé pour une nouvelle conquête, décida d'envoyer son fils s'y installer. Il déclare solennellement : "À partir d'aujourd'hui, tu es le roi de ce territoire, le roi des esclaves : le Zô-kia."
Il est donc évident que le premier roi de Nikki fut Zinmin Dodia et non Ki-Sinho ou Sounon Sero comme l'indiquent certaines sources. Ce dernier, père de Zinmin Dodia et très respecté, n'est même pas arrivé à Nikki, bien qu'il soit l'instigateur de la création de ce royaume.

En langue Boo, Zô-kia signifie littéralement "le roi des esclaves". C’est ainsi que naquit le royaume de Nikki et son roi est appelé Zô-kia par les Boo jusqu'à ce jour.

Le pouvoir de Zinmin Dodia ne tarda pas à s’affirmer. Stratège, fin diplomate et guerrier, il renforça son autorité et fit de Nikki le royaume le plus puissant de la région.
Dodia est, en fait, un surnom qui tire son origine de sa propension à demander aux caravaniers d'en ajouter un chaque fois qu'ils payaient l'impôt pour le roi.

1.4. Cinq épouses, cinq dynasties

Zinmin Dodia scella son royaume par des alliances matrimoniales. Il épousa cinq femmes, issues de différents groupes ethniques. Trois étaient Boo, comme lui, une était Baatonu et une autre était Haoussa.

De ces cinq femmes naquirent cinq fils aînés, chacun détenteur d’un droit dynastique. Ces fils fondèrent les cinq dynasties royales du royaume de Nikki, encore reconnues aujourd’hui.

Zinmin Dodia, fondateur du royaume de Nikki et descendant direct de Ki-Sinho (Sounon Sero), eut cinq épouses issues de différents groupes ethniques. Cette diversité matrimoniale n’était pas fortuite : elle incarnait une stratégie politique visant à unir des peuples divers sous une même autorité royale. De chacune de ces femmes naquit un fils aîné, et chacun de ces fils donna naissance à une dynastie, perpétuant la lignée du roi fondateur selon ses origines maternelles.

Les cinq dynasties issues de cette fondation sont :

1. La dynastie des Sannin Karawi – d’origine Boo, dont le chef de file est le Kaayoa fut la première à succéder à Zinmin Dodia. Cette dynastie , bien qu’elle soit la plus ancienne des cinq dynasties issues de Zinmin Dodia, n’a donné que quatre souverains au trône de Nikki. Cette relative rareté numérique de ses souverains contraste avec son importance symbolique et historique, car elle fut la première à incarner l’autorité royale après le fondateur, marquant ainsi l’ancrage initial du pouvoir dans la tradition boo.

 

À la différence des autres lignées qui se sont partiellement métissées au fil des alliances et des siècles, la dynastie Karawi est restée essentiellement et fièrement Boo jusqu’à nos jours. Cette fidélité à l’identité originelle lui confère une place particulière dans la mémoire collective en milieu Boo.

Le chef actuel de cette lignée, le Kaayoa, est établi à Kambara, un village authentiquement  Boo dans la commune de Ségbana. Kambara est donc bien plus qu’un simple lieu géographique : c’est un sanctuaire vivant de la tradition royale, un espace de préservation culturelle, linguistique et spirituelle, où les héritiers de la première dynastie perpétuent les valeurs et les rites ancestraux transmis depuis Zinmin Dodia.

2. La dynastie des Mako Gbaassi – également Boo par ascendence paternelle et maternelle, elle tient son nom d’un ancêtre célèbre et représente l’un des rameaux les plus influents dans l’histoire politique de la région.

 

3. La dynastie des Koraru – encore Boo par ascendance maternelle et paternelle, elle perpétue les traditions guerrières et rituelles de la royauté boo.

 

4. La dynastie des Lafiaru – issue de l’épouse Haoussa, témoigne des liens profonds entre les Boo et les royaumes du nord islamisé.

 

5. La dynastie des Makararu – d’origine Baatonu, illustre l’intégration du peuple Baatonu dans la construction du royaume de Nikki.

 

Chacune de ces dynasties, tout en partageant un tronc commun à travers Zinmin Dodia, porte une mémoire, une langue, et une vision du pouvoir qui ont façonné, au fil des siècles, l’identité plurielle mais unifiée du royaume de Nikki.

Chapitre 2 : La Dynastie des Karawi Sannin

2.1. Sero Bagri, le successeur désigné

La première dynastie à succéder à Zinmin Dodia fut celle des Karawi Sannin, incarnée par Sero Bagri. Ce dernier était le fils d’une sœur d'un puissant roi, Kibanin de Sokotindji. Il naquit à Kaawia, localité de l’actuel arrondissement de Sokotindji dans la commune de Ségbana.

Bien qu’un autre fils de Zinmin Dodia, Dalu de Gbaassi, fut né quelques jours avant lui, la naissance de Sero Bagri avait été annoncée la première à la cour royale. De plus, la mère de Dalu était une concubine non officielle. Pour ces raisons, Sero Bagri fut proclamé prince-héritier du trône.

Le nom Sannin provient de l'expression Boo Sannin-saï, signifiant "sans tâche" ou "immaculé". Ce titre reflète la pureté de sa naissance et la noblesse de son lignage. C’est aussi la raison pour laquelle les membres de cette dynastie portent traditionnellement le tako blanc dans la cour royale.

2.2. De Kaawia à Nikki : la prise du pouvoir

Sero Bagri vivait à Kaawia ou Karawi, dans sa famille maternelle. C'était la coutume à l'époque que les princes soient élevés du côté maternel. Après le  décès de Zinmin Dodia, les dignitaires de la cour royale, fidèles à cette tradition et au testament du roi, décidèrent d’aller chercher le yoa (fils aîné) de karawi  pour l'introniser à  Nikki comme successeur légitime de Zinmin Dodia.

Son départ laissa un vide à Karawi. Les habitants, très attachés à lui, décidèrent de nommer un de ses fils comme nouveau yoa, appelé Kaawia yoa ou Kaayoa selon l'usage. Ces Kaayoa ont beaucoup migré dans le temps et dans l'espace et  vivent encore aujourd’hui à Kambara, dans la commune de Ségbana, perpétuant la mémoire d’un lien profond entre Nikki et Ségbana.

 

Idrissou SARE GOUNOU

Medecin , membre de la dynastie des Kaawia Sanhin( Sannin Karawe

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