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Anthroponymie et relations de parenté à plaisanterie chez les Boo : entre transmission des panégyriques et ordre de naissance.

Anthroponymie et relations de parenté à plaisanterie chez les Boo : entre transmission des panégyriques et ordre de naissance.

Auteur : Mama KPAZIN, Maitre en Sociologie-Anthropologie

Mail : mamakpazin58@gmail.com

Résumé

L’article examine les pratiques de nomination et les relations de plaisanterie dans la société Boo. Il met en lumière la logique symbolique qui régit la filiation intergénérationnelle, le rôle des panégyriques dans la construction identitaire, ainsi que le système de dénomination des enfants selon l’ordre de naissance, différencié pour les garçons et les filles.

Introduction

La nomination constitue, dans les sociétés africaines, un processus social et symbolique qui dépasse la simple identification individuelle. Chez les Boo, groupe culturel du Nord-Bénin, l’anthroponymie est étroitement liée aux relations de parenté, aux panégyriques, et aux hiérarchies de naissance. Cet article interroge le rôle des noms dans la reproduction sociale et culturelle, en mettant en évidence :

1. La relation de plaisanterie entre petit-fils et grand-père.

2. La transmission et l’alternance des panégyriques (Kpai/Woué).

3. Le système structuré des prénoms attribués selon l’ordre de naissance, distinct pour les garçons et les filles.

Résultats et analyse

1. La parenté à plaisanterie entre petit-fils et grand-père

Chez les Boo, le petit-fils se dit Tɔ̀una ou Tɔ̀una gbɔ̃sɛsua. La relation entre petit-fils et grand-père est marquée par la plaisanterie, renforcée par l’usage des mêmes panégyriques (Kpai ou Woué). Cette symétrie panégyrique établit un lien de proximité et de continuité symbolique, où chacun peut se définir comme l’origine de l’autre (« de Kpai naît Woué et vice-versa »).

2. Les cycles de nomination intergénérationnelle

Lorsqu’un petit-fils (Tɔ̀una) donne naissance, son enfant est appelé Nɛmáa (« bon enfant »), soulignant la différenciation panégyrique avec l’arrière-grand-père. Cette logique se poursuit :

Enfant de Nɛmáa se nomme Sĩwɛna.

Enfant de Sĩwɛna s'appelle  Swãkpɛ (« derrière mon oreille »).

La rareté de Swãkpɛ souligne la valeur symbolique et l’exceptionnalité de cette continuité généalogique.

3. La nomination des garçons selon l’ordre de naissance

Les Boo attribuent les prénoms en fonction du rang de naissance des enfants et du sexe. 

a) Pour les garçons

 

b) Pour les filles

 

1. Woo ou Wolu

2. Sai, Sabi, Saɛ ou Se

3. Bio ou Biɔ

4. Bãi, Gima ou Guda

5. Sãai, Dɛmɔ, Tãa ou Toolu

6. Wotui ou Tui

7. Maede

8. Bio Sia (Bio pour la seconde fois)

9. Gɔ̃ndɔ ou Bãi Sia

10. Uade

11. Wotui (encore)

12. Maede (encore)

 

1. Yɔ̃

2. Bãa

3. Bae ou Yapɛnɔ

4. Bĩɔ, Baà, Bĩɔ Baà ou Dade

5. Gũi ou Gũi Daalɔ

6. Beu, Yɔ̃beu ou Beukoo

7. Bãa Sia

8. Bae See

9. Bĩɔ Sia

10. Gũi Sia ou Gũi See

11. Beu Sia

12. Bãakpalɛ Sia

 

 

Ce système de récurrence (Bio, Bãi, Wotui, Maede) traduit une logique circulaire de la nomination, où certains noms reviennent à des positions précises, réaffirmant la stabilité de l’ordre social.

La nomenclature féminine intègre les suffixes Sia et See, indiquant une reprise des noms antérieurs, mais marquant la progression généalogique.

Discussion

La nomination Boo exprime la continuité généalogique et la mémoire intergénérationnelle. La parenté à plaisanterie entre petit-fils et grand-père instaure un espace de liberté et d’équilibre social, en atténuant les tensions hiérarchiques.

L’ordre de naissance révèle une structure cyclique où les noms répétés renforcent la cohésion familiale et culturelle.

La distinction garçons/filles souligne une complémentarité symbolique, ancrée dans les valeurs de reproduction et de filiation.

Conclusion

L’anthroponymie Boo constitue un système structuré qui articule parenté, identité et mémoire. En reliant les panégyriques, les relations de plaisanterie et l’ordre de naissance, elle révèle une conception du monde fondée sur la continuité, la cyclicité et la réciprocité. Ce système, bien que menacé par la modernisation et l’adoption de prénoms exogènes, demeure un patrimoine immatériel essentiel pour comprendre la logique sociale des Boo.

 

Mama KPAZIN

Maître en Sociologie-Anthropologie

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